Sur papier blanc, sur papier vierge
J' t'écris du fond d' la forêt vierge
Entouré de singes hurleurs
Et de mes trois porteurs
J' t'écris pour te dire, mon amour
Que je regrette bien le jour
Où j'ai déserté notre nid
Pour partir en Amazonie
Le climat est insupportable
Et pour ce qui est de la table
Je te jure que ce n'est pas gai
Les vivres commencent à manquer
Mardi dix-huit juin, quatorze heures
Mangé un porteur
Sur papier blanc, sur papier vierge
J' t'écris du fond d' la forêt vierge
Entouré de singes hurleurs
Et de mes deux porteurs
J' t'écris pour te dire, mon amour
Que le climat est plutôt lourd
Ce qui règne c'est pas la confiance
On se regarde en chien d' faïence
Moi qu' étais déjà pas bien gros
J'ai même plus la peau sur les os
Pour sortir de ce précipice
J'en suis réduit au self-service
Mardi vingt-cinq juin, quatorze heures
Mangé un porteur
Sur papier blanc, sur papier vierge
J' t'écris du fond d' la forêt vierge
Entouré de singes hurleurs
Écrasé de chaleur
J'espère que l'on me comprendra
Entre nous, c'était lui ou moi
Je le regretterai beaucoup
C'était un homme qui avait du goût
Ne m'en veuillez pas, chère madame
Après tout, ça n'est pas un drame
Mais je partage votre douleur
Tout en bouffant l'explorateur
Mardi deux juillet, quatorze heures
Signé: dernier porteur
